Pour ceux et celles qui m'ont demandé une copie des textes lus aux funérailles de ma mère.

Chanson : Le cœur est un oiseau (Richard Desjardins)

Caroline :

Bonjour à tous, et merci d’être avec nous aujourd’hui, cela nous réchauffe le cœur. Alexandre et moi, en accord avec la famille, on a voulu une cérémonie toute simple, à l’image d’Andrée. Elle qui n’aimait pas être le centre de l’attention !!!!

Pour commencer, je vais commencer par réciter un poème d’Émile Nelligan

Devant deux portraits de ma mère (Émile Nelligan)

Ma mère, que je l’aime en ce portrait ancien,
Peint aux jours glorieux qu’elle était jeune fille,
Le front couleur de lys et le regard qui brille
Comme un éblouissant miroir vénitien !

Ma mère que voici n’est plus du tout la même;
Les rides ont creusé le beau marbre frontal;
Elle a perdu l’éclat du temps sentimental
Où sa voix chanta comme un rose poème.

Aujourd’hui je compare, et j’en suis triste aussi,
Ce front nimbé de joie et ce front de souci,
Soleil d’or, brouillard dense au couchant des années.

Mais, mystère de cœur qui ne peut s’éclairer !
Comment puis-je sourire à ces lèvres fanées ?
Au portrait qui sourit, comment puis-je pleurer ?

 Jocelyne (Souvenirs d’Andrée au Liban)

Dans les dernières années, sous l’effet de la maladie, Andrée était devenue très fragile, anxieuse, repliée sur elle-même. Or, dans la majeure partie de sa vie, malgré les apparences, ma sœur était une femme forte de caractère. J’aimerais évoquer dans ce petit récit d’un épisode de sa vie, son audace et son courage.

En 1968, je suis allée visiter Andrée qui vivait alors à Beyrouth, au Liban. Je crois qu’elle y était heureuse, malgré l’éloignement de sa famille. À cette époque, c’était encore, pour peu de temps, un petit paradis, « La Suisse du Moyen-Orient » disait-on, où les diverses communautés religieuses vivaient en paix.

Huguette, Andrée et Jocelyne, avant le départ d’Andrée et René pour Beyrouth

 

Mon récit pourrait s’intituler « Les exploits d’Andrée au volant de sa Fiat ». Andrée avait une très jolie petite Fiat jaune, qu’elle avait baptisée Jaunix. Avec cette petite voiture, nous avons elle et moi, parcouru le pays en long et en large. Elle conduisait partout avec assurance : sur les routes en lacets des montagnes, sur la splendide route de la côte jusqu’aux frontières déjà très militarisées de la Syrie et d’Israël. Je ne l’ai jamais vue perdre son sang-froid, pas même dans la circulation démente de Beyrouth.

Nous traversions la plaine de la Bekaa jusqu’à Damas et Alep. Comme vous le savez sans doute, ma sœur, qui n’aimait pas marcher, était infatigable dans un marché d’artisans. Je la suivais dans les allées tortueuses du souk d’Alep, le plus grand marché couvert du monde et un des plus anciens, toujours à l’aise avec les marchands de tapis qui déroulaient devant elle leurs merveilles en nous offrant le thé.

C’est elle qui m’a fait découvrir, peu avant les terribles conflits qui les ont ravagés, ces pays splendides, ces cultures raffinées, l’extraordinaire sens de l’hospitalité de leurs habitants.

En juillet, c’est la période des vacances pour son mari de l’époque. Nous avions planifié un long voyage en Turquie, puis en Grèce. Elle sera au volant pour tout l’itinéraire, puisque ni René Thibault ni moi ne savions conduire. De Beyrouth à Athènes, 2 500 km et on ne roule pas sur des autoroutes! C’est déjà en soi toute une épreuve, mais attendez la suite.

Dans les montagnes d’Anatolie jusqu’à Ankara, puisque les hôtels des petites villes ont la réputation d’être sordides, nous campons, plutôt à la dure. Andrée dort dans une tente de l’armée en gros tissu kaki. On est loin du confort 5 étoiles. Les routes de montagnes sont dangereuses, les habitudes de conduite des Turcs à l’époque étant pour le moins imprévisibles.

Je passe rapidement sur l’éblouissement que nous avons ressenti à Istanbul, ce n’est pas l’objet de mon propos.

Nous reprenons la route vers Athènes. Un camion nous dépasse et projette une roche dans le pare-brise qui se fracture en mille éclats. Pas de concessionnaire Fiat avant Athènes. Elle devra donc conduire sans protection contre le vent chaud et poussiéreux, sur 1 000 kilomètres. Je lui enveloppe la tête comme une Bédouine, avec des écharpes légères en ne laissant que les yeux à découvert, bien fragile protection toujours à refaire.

Après avoir visité Athènes, pour éviter de refaire en auto cet interminable trajet de retour, nous décidons de prendre le traversier pour l’Île de Rhodes. Elle n’est située qu’à quelques kilomètres de la côte turque que nous sommes sûrs de pouvoir rejoindre sur un traversier. C’est que nous ignorons qu’à cause du conflit séculaire entre la Turquie et la Grèce, il n’y a à l’époque aucune liaison maritime entre les deux pays.

Nous sommes découragés. La perspective de refaire tout le parcours en sens inverse, c’est trop pour Andrée. On se renseigne, on explore et explique et implore, et finalement, on nous met en contact avec le capitaine d’un bateau de pêche qui accepte de nous déposer en toute illégalité sur la côte turque.

Nous ne verrons son bateau que le lendemain, jour du départ. C’est un petit bateau de pêche, doté d’une petite plate-forme sur laquelle il faudra poser la voiture. Or, le quai est bien au-dessus du niveau de la mer.

Ma sœur devra donc manœuvrer la voiture sur deux madriers posés entre le quai et l’embarcation. Elle est seule à bord pour que la voiture ne soit pas surchargée. Nous assistons à la manœuvre et je revois comme si c’était hier son regard terrifié. Elle nous dira par la suite qu’elle ne voyait pas les madriers dont la pente était très forte et qu’elle ne pouvait se fier, pour avancer, que sur les gesticulations du batelier. C’est ainsi que nous traversons le bras de mer vers la Turquie, la Jaunix occupant à peu près la moitié du bateau. C’est le plus étonnant trajet maritime que j’aie fait de ma vie.

De nouveau sur la route. Plus que mille kilomètres à parcourir avant d’arriver à Beyrouth. Enfin en sécurité, pensez-vous? Eh bien non.

Trop fatiguée sans doute, Andrée passe sur une grosse pierre, qu’elle n’a pas vue, au milieu de la route. Le carter d’huile est fendu. Nous sommes au milieu de nulle part. Je ne me souviens plus des détails, mais nous avons été remorqués jusqu’au petit village de Gasipacha. Le mécanicien, bien sûr, ne parle que le turc, mais le langage des signes est efficace. Nous comprenons qu’il peut réparer le réservoir. C’était sûrement un excellent soudeur et à l’époque on savait encore réparer. Mais il faudra attendre au lendemain. Nous dormons dans l’hôtel du village et l’expérience nous confirme que nous avons bien fait, au début du voyage, de camper dans la campagne turque.

Nous arriverons à Beyrouth à quatre heures du matin. Quand j’y repense, je me demande combien d’entre nous auraient été capables, comme l’a fait ma « fragile » grande sœur, d’affronter toutes ces difficultés tout en conservant le plaisir du voyage et de la découverte. Car malgré cette série de difficultés et d’obstacles, ce fut un magnifique voyage.

Ma chère Andrée, je ne suis pas de ceux qui croient que tu peux nous entendre, mais comme tous les défunts que j’ai aimés, tu vivras dans ma mémoire. Je veux te dire combien je te suis reconnaissante de l’héritage que tu m’as laissé. En effet, je constate, en écrivant ce texte, que ce voyage avec toi a été l’impulsion première et la base de tous les autres. Car c’est avec toi que j’ai appris qu’on peut être, plus qu’un touriste, un voyageur. Que visiter un pays, c’est apprendre son histoire, sa culture, s’intéresser à ses habitants, leur faire confiance. C’est être prêt à affronter des difficultés et trouver des solutions. Qu’un voyage, c’est souvent une aventure et un dépassement de soi. Heureusement que je l’ai appris, car avec mon cher André Morf, ce ne sont ni les voyages, ni les aventures qui ont manqué.

De plus je te remercie de nous avoir fait confiance, à André et moi, et de nous avoir souvent confié, toi qui était pourtant un peu mère poule, tes merveilleux enfants, Caroline et Alexandre, qui sont ainsi devenus, avec quelques autres, les enfants de notre vie, et qui ont été aussi, à quelques reprises, de délicieux compagnons de voyage.

Philippe

 (notes manuscrites) Philippe a rajouté bon nombre d’anecdotes à ses notes.

Andrée pour moi, c’est:

Andrée c’était Michel, et Michel c’était Andrée

Chanson : Hallelujah (Leonard Cohen)

Caroline

Au cours des deux dernières années, Alex et moi sommes devenus orphelins des meilleurs parents que la vie aurait pu nous donner. Cet été, nous avons perdu notre maman. Béa, Juju et Maxou ont perdu leur Mamie. Vous avez perdu votre sœur, belle-sœur, tante, grand-tante, belle-maman, votre amie.  Peu importe la relation, nous avons tous perdu cette Andrée qui a su nous toucher par sa douceur, nous inspirer par son caractère, nous aider par ses conseils.

« Sa douceur ». C’est la première chose que Valérie m’a dite. Si Michel était un « punching bag », maman adorait prendre les bébés et les jeunes enfants dans ses bras et leur parlait doucement.

Cette douceur est un souvenir qu’elle a laissé à bon nombre d’entre nous. Et qu’elle continuait de laisser jusqu’à tout récemment … à la St-Jean, cette année, Béa et moi avions invité des amis à se joindre à nous, dont mon amie Stéphanie qui est venue avec sa plus jeune, Florence, qui avait bien sur adopté « Mamie Andrée » depuis plusieurs mois. Une des dernières belles images que je garde de maman est Florence et elle qui écoutent la télé, Florence couchée sur les genoux de maman et celle-ci qui lui caresse les cheveux, tout doucement, comme elle a toujours aimé le faire avec tous les enfants qu’elle a eu le bonheur de prendre dans ses bras. Je regrette de ne pas avoir photographié ce moment, mais il reste gravé dans ma tête.

Dans toute sa douceur, maman était aussi une femme forte. Je voulais partager avec vous comment je voyais ma mère quand j’étais enfant, adolescente et jeune adulte. Maman qui était toujours là, et que je trouvais tellement forte. J’ai toujours admiré le fait qu’elle a en quelque sorte défoncé des barrières sociales, et quitté une union qui ne la rendait pas heureuse, à une époque où le divorce était encore un genre d’anomalie sociale. Elle a choisi d’écouter son cœur et de vivre son gros coup de foudre et a refait sa vie avec son beau (et jeune) Michel.  Michel est devenu notre père, celui qui a aidé ma mère à nous éduquer et nous entourer d’amour et de beaux projets.

Maman avait la tête dure, et n’en avait rien à foutre des conventions sociales et de l’opinion des autres. Vivre et laisser vivre!

Maman nous a aimé, bien sûr… mais elle aimait tous les enfants. Et comme professeur elle en a eu beaucoup. Elle a sans aucun doute su en inspirer un grand nombre. Mais parmi tous ses élèves, il y en a certainement eu une plus spéciale que les autres. Marie-Ève, la chanceuse, qui aura été la seule de la famille à avoir maman comme professeur, en 1ère année… et je me demande encore laquelle en était la plus heureuse !

Marie-Ève tenait à partager ce souvenir

Je me souviens de ma toute première journée d’école et quand elle m’a accueillie dans sa classe. Je portais la robe que ma mamie m’avait faite et Andrée trouvait que j’avais fait un bon choix de tissu (d’ailleurs, portez attention aux photos qui défilent, la photo de classe de cette année-là défile) – j’avais choisi des cocos de Pâques!

 

Cette année-là, je n’ai eu que des A dans mon bulletin. Je soupçonne d’avoir été un peu la chouchou!

De la 2ème à la 6ème année, je la croisais soit dans la cours d’école ou dans les corridors. Je crois que j’étais en 3ème année quand elle m’a arrêtée dans le corridor pour me regarder et me dire quelque chose comme « Marie-Eve, voyons, c’est la photo aujourd’hui!!! ». Je portais une salopette et un coton ouaté, et j’avais les cheveux pires que Alphalpha. Elle a tenté (sans succès) de me peigner un peu les cheveux (cette photo-là aussi défile!!!)

Je me souviens des 25 décembre chez elle dans la maison à Aylmer que j’aimais tant! Pour moi c’était si accueillant et surtout… la nourriture!!!!! Andrée est à ce jour une des meilleures cuisinières que je connaisse! Ses plats libanais ou ses bouillons maison me font encore saliver.

Pour moi, ta maman représente le calme, la gentillesse incarnés, l’élégance, la culture, mais surtout une femme que j’aime du plus profond de mon cœur. Je suis heureuse qu’elle soit maintenant réunie avec l’homme de sa vie.

Et, je partage aussi une anecdote racontée par Sylvie

J’aimerais que tu soulignes que j’ai eu l’immense privilège d’avoir appris à lire, écrire et compter à l’âge de 4 ans grâce à Andrée qui a pris le temps de m’enseigner. Comme celui d’avoir passé beaucoup de temps chez vous quand j’étais jeune, et lors de ces weekends où elle m’initiée à l’art (peinture et sculptures) grâce à de magnifiques livres qu’elle possédait.

Elle avait la douceur et la patience d’enseigner. C’était un plaisir d’apprendre à ses côtés.

Petite anecdote, j’étais chez vous lorsqu’enceinte d’Alexandre, elle a crevé ses eaux. Je la revois prendre le téléphone pour appeler René à son bureau et lui dire qu’ils devaient partir à l’hôpital!

C’est aussi grâce à elle que nous avons élargi notre répertoire gastronomique à son retour du Liban particulièrement!

Je vais revenir sur la douceur de ma mère, une anecdote quand Alex et moi avions 3-4 ans. Alex (qui  a hérité de la douceur maternelle), décide de me mordre les doigts. Je ne me souviens plus pourquoi, mais je devais avoir mes torts. Donc.. je pleure (et sûrement que j’en mets plus que le client en demande!). Ma mère, en alerte, s’informe. Et, pour montrer à Alex que ça fait mal, décide de lui mordre les doigts.. et fait pleurer Alex. Résultat.. ma mère la douce et sensible se met à pleurer aussi. Un beau trio!

En fait, maman excellait surtout avec les discours sur la fierté et le travail acharné, régulièrement ponctué de « comme mon père me disait tout le temps ». Son père dont elle était si fière et qui lui avait inculqué ces valeurs qu’elle a eu à nous rappeler pendant notre enfance et notre adolescence.

 

Pour Maman, être une Lefebvre était une immense fierté. Et de porter ce nom… et que nous, ses enfants, puissions porter le nom Lefebvre était pour elle (et pour nous) d’une grande signification.

Combien de fois elle racontait que Grand-Papa Maurice travaillait sans compter, entre autres pour pouvoir envoyer ses enfants au pensionnat et au collège. Pour maman, comme pour Maurice, l’éducation était fondamentale. Elle (et Michel) ont aussi fait des sacrifices pour nous donner tous les outils dont on avait besoin, que ce soit pour nous payer l’école privée, ou pour nous aider à payer les frais d’université. La réussite scolaire de ses deux enfants était pour elle, une immense fierté. Et pour nous, le plus beau des cadeaux, celui de la curiosité, et de l’amour de l’apprentissage.

 

D’ailleurs, au cours des dernières semaines, en faisant du ménage dans sa bibliothèque, je suis tombée sur une copie de la thèse de Maîtrise d’Alex, dont la dédicace reflète bien ceci:

« À Andrée, merci de m’avoir appris le plaisir d’apprendre » Et.. « Un gros gros merci à Andrée et Michel pour le plus beau cadeau possible, celui de m’avoir donné la possibilité et le goût d’étudier ».

La fierté de sa famille et de ses racines et de son enfance à grandir sur une ferme se retrouvaient aussi sans doute dans son amour pour le jardinage. Sa façon à elle de travailler la terre.  Beaucoup d’entre vous se souviennent sans doute de son magnifique jardin à la maison de la rue Charles. Ma mère avait ce talent incroyable de planifier son jardin. Cette passion pour tout penser et planifier pour que l’ensemble du terrain ait une couleur dominante, qui changeait au long de la saison : tout blanc, puis, tout jaune, ou tout rose. Elle était aussi toujours prête à partager sa passion, à s’émerveiller devant les magnifiques plates-bandes des autres, à discuter fleurs avec tous ceux d’entre nous qui cherchaient à savoir quoi planter dans tel ou tel coin de nos parterres.

La littérature a aussi été une des grandes passions dans la vie de maman. Elle lisait constamment, souvent plusieurs livres à la fois. En vidant ses bibliothèques, nous avons retrouvé plusieurs livres annotés, et même, pour certains ouvrages aux nombreux personnages, Maman avait des notes écrites pour s’y retrouver. Elle m’a bien fait rire, quand, avec l’arrivée du numérique, elle a commencé à s’acheter des livres pour sa tablette. Sa joie, de pouvoir cliquer sur un mot ou un nom, pour obtenir des explications ou éclaircir un concept. Un jour, elle lit un livre papier. Son réflexe? Cliquer sur un mot, par pur réflexe! Et de rire d’elle-même en nous racontant cette anecdote!

Beaucoup parmi vous connaissez et partagez cette passion qu’elle avait pour la lecture. Combien de livres ont été prêtés, échangés, racontés lors de vos rencontres avec elle.

Cette passion elle voulait aussi la transmettre à ses petits-enfants. Un de ses rituels préférés : à la fin de chaque année scolaire, était d’amener Béa, Juju et Maxou chacun leur tour s’acheter un livre, eux qui sont tous trois devenus d’avides lecteurs.

Encore une autre passion de maman : les voyages! Jocelyne et Philippe en ont déjà parlé… Mais moi aussi je me souviens très bien, comment maman et Michel travaillaient fort et économisaient pendant toute l’année scolaire, pour pouvoir prendre presque tout l’été de congé et voyager en famille.

Nous avons sillonné avec eux le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, la Gaspésie, sommes allés camper sur la Côte est des États-Unis, à Niagara Falls, etc… Souvent, nous voyagions avec Gabriel. Jocelyne, André et Martin. Que de beaux souvenirs.

En 1983, nous sommes tous allés en Europe : 2 mois! Quel beau cadeau. Ma mère et Jocelyne nous avaient bien préparés: nous avions dû dessiner les carte de la France et de la Suisse, et à chaque semaine, nous avions un devoir : nous devions placer sur l’une ou l’autre de ces cartes, une ville ou un attrait touristique précis. Et tout ça c’était à une époque où l’internet n’existait pas! ça ne nous tentait pas toujours, mais c’était une excellente façon de nous préparer, et par la suite pouvoir comprendre et profiter davantage de tous ces châteaux, villes et villages que nous avons visités cet été-là.

Pour ma mère, voyager était un grand plaisir, et je voulais en profiter ici pour vous raconter à quel point que pour maman, tout plaisir, même petit, prenait une grande importance.

Pour elle, aller passer la journée à Wakefield avec Michel et Béatrice, luncher au Pot-au-feu et faire le tour des boutiques de village, lui apportait autant de bonheur que de passer un mois en Europe avec Michel, Gabriel, et Philippe. Elle savait profiter de chaque instant que ces visites, locales ou exotiques lui permettaient.

Même si les derniers voyages en Europe ont été plus pénibles avec ses hanches fragiles, elle nous revenait toujours avec cet éclat de bonheur dans les yeux et cette envie de partager ses découvertes, ses coups de cœur. Pour elle, je crois que ce moment de partage était une grande partie de son plaisir et une façon pour que le voyage ne s’arrête jamais.

Rassurez-vous, j’ai presque terminé.

Alex et moi tenons à remercier plusieurs personnes qui nous ont beaucoup aidés depuis le décès de Michel.

Gabriel, Jocelyne et André, vous êtes venus souvent passer quelques jours avec maman. Elle appréciait tellement ces moments (même si cela lui causait un brin d’anxiété : Caro, tu vas venir m’aider à cuisiner hein?) J’avais beau lui dire que l’un ou l’autre l’aiderait, même que Gabriel apportait la super sauce à spaghetti de chez Como, et que Jocelyne et André lui apportaient des plats cuisinés qu’elle affectionnait particulièrement. Sachez qu’elle aimait beaucoup vos séjours chez elle.

Julie et Bill : merci à vous aussi. Bill est venu souvent tondre le gazon chez maman.  Julie est venue parfois dormir chez maman pour lui tenir compagnie. Et tous les deux venaient régulièrement souper (ma mère aimait beaucoup manger les plats préparés par Bill!).

Gabrielle : pendant 2 ans, tu as été la coiffeuse de maman, tu te déplaçais pour venir t’occuper d’elle.

Béatrice :  pendant près d’un an, Béa a été en quelque sorte l’aidante naturelle de maman. Elle passait ses journées avec elle, souvent des soirées et parfois la nuit. Ça désennuyait tellement Maman et elle était toujours si contente de passer du temps avec sa toune!

J’aimerais maintenant vous parler du dernier week-end de ma mère, à Oka.

Pour nous, c’est maintenant une tradition depuis 6 ans d’aller passer un week-end à Oka et de bénéficier de l’hospitalité légendaire d’André et Jocelyne. Gabriel nous y rejoint toujours. Ma mère et Michel aussi, la plupart du temps.

Ces deux dernières années, Maman était venue avec nous. Elle était si bien au bord du Lac.

Si bien même que la maman apathique depuis le décès de Michel avait disparu. Elle jasait et mangeait. Elle a même compris une blague…!!!!

Maman était visiblement bien et heureuse. Elle était entourée de presque tous ses proches. Il ne manquait qu’Alex, Émilou, Juju et Maxou et son bonheur aurait été parfait!

Ce soir-là, il y a eu des éclairs de chaleur. Si vous connaissez Andrée (et Béa!), les orages sont épeurants et, de retour à la maison, pétrifiées par l’orage (!!!!), elles se sont collées en tentant de se rassurer l’une l’autre.

Inutile d’aller dans les détails, mais suite à son malaise et au moment de partir pour l’hôpital, Béa lui a dit « Mamie je t’aime » et on a eu droit à cette belle réplique, que j’ai entendu tellement souvent « Moi aussi p’tite toune ». Ce sont ses derniers mots.

Et c’est tellement elle!

Maman a été une mamie très impliquée dans la vie de ses trois petits enfants qu’elle aimait par-dessus tout. Béatrice a eu la chance de naitre la première, à une époque où Andrée était encore en bonne santé. Mamie et Papi ont été des grands-parents très présents et dévoués. Combien de fois nous ont-ils dépannés? Aller chercher l’un ou l’autre à l’école, à la garderie, au camp de jour. Un enfant malade? Aucun souci, on passe la journée à se faire dorloter par Papi et Mamie.

Bon, je termine avec un message à Béa, Juliette, Maxence

De Mamie vous héritez de l’esprit créatif, de la sensibilité, et … peut-être aussi de l’anxiété. Mais bon…

Béatrice :

Toi qui n’a pas peur de prendre (et assumer) des décisions qui te mènent parfois à contre-courant (sois en fière, ta Mamie était comme ça!), tu viens de t’inscrire en design graphique. Un programme fait pour toi, où tu vas exploiter et développer ton talent artistique, qui te vient de ton Papi et ta Mamie! D’ailleurs, il sauront te guider au cours de tes études et de ta carrière : ils seront, comme ils l’ont été depuis ta naissance, tes mentors.

Juliette, notre acrobate ! Juliette, toi qui commence ton Secondaire 2 à l’École nationale de cirque à Montréal. Juliette pensionnaire à 13 ans !  Toi petit bout de femme au caractère déjà fort (!) tu as de qui tenir.  Toi qui depuis ta plus tendre enfance ne peux marcher sans faire une pirouette, un grand écart ou autre culbute! (D’ailleurs, est-ce que tu sais marcher?) Si tu savais comment ta mamie était fière de toi et t’admirait d’avoir déjà la force de foncer tête baissée pour poursuivre tes rêves! Ta mamie a sa place dans ton cœur, d’où elle sera aux premières loges pour voir tous tes spectacles.

Maxence : tu as 11 ans, et l’avenir t’appartient. Ton intelligence, ta créativité et ta sensibilité vont te guider. Tu as clairement deux passions : les arts de la scène, et les Légos. Seras-tu comédien ? Ou architecte?  Peu importe la voie que tu choisiras, saches que ta mamie t’aimait très fort, était toujours émerveillée par ta curiosité et ta sensibilité. Pour toi aussi elle sera là, soit pour voir tes pièces de théâtre… ou pour admirer tes créations.

Béa, Ju, Maxou, soyez fiers de ce que vous êtes, de ce que vous deviendrez, peu importe le chemin que vous prendrez, peu importe ce que l’avenir vous réserve, il y a un p’tit peu beaucoup de Papi et Mamie là-dedans.

 Chanson : Mammy Blue (Roger Whittaker)

(Cette chanson est une demande spéciale d’Alex: il l’avait dansé avec Maman lorsqu’il s’est marié).

Au cimetière

Récitation de la chanson Nos absents de Grand corps malade

Béatrice

 Mamie,

J’ai l’image de toi comme une belle fleur dans un jardin d’été. Douce (avec les gens qu’elle aime), mais parfois tu pouvais être tête dure.

Vu mes circonstances, je crois qu’une chose qui me manque de toi et de Papi, c’est votre amour. Un amour éternel qui va au-delà de la vie sur terre. Je suis de celles qui croient à un monde après la vie. Et je crois que tu es mieux là-haut avec l’homme de ta vie.

Papi et Mamie, j’ai eu une relation privilégiée au cours de ma vie, avec vous. Et c’est une chose que je remercie la vie de m’avoir donnée. Mamie, tu es la femme qui fait en sorte que je suis celle que je suis aujourd’hui.

Malheureusement, parfois, la vie s’arrête trop rapidement, comme un grand coup de vent inattendu. Je t’aime et je garde en moi l’image d’une grande femme, pleine de vie et de sagesse, qui m’accompagnera dans tous mes projets.

Pour terminer, je te remercie de m’avoir fait le cadeau d’avoir eu cette relation si spéciale avec Papi.

Chanson : L’hymne à l’amour (Édith Piaf)

Pendant que les petits-enfants déposent chacun une rose blanche sur l’urne d’Andrée et Michel.

 

 

 

 

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