Passer par l'écriture pour évacuer mes émotions. Et me livrer comme ça, sans pudeur. Ouf...

Ça va faire un an, dans 7 jours, que tu es partie, que tu as rejoint ton amoureux. Et même si on sait très bien que c’était la meilleure chose pour toi, si tu savais à quel point tu nous manques.

Dernièrement, Béatrice était debout et un faisceau de lumière a éclairé ses cheveux. Je t’ai vue, l’espace de quelques secondes, et ça m’a réchauffée le cœur.

Depuis une semaine, je revis sans cesse les dernières heures passées avec toi, à Oka, mais surtout à l’hôpital. Le scénario reste toujours le même, la fin ne change pas. Même si je le voulais.

Me souvenir de la canicule. Même le bord du lac, toujours frais, ce weekend-là, il n’y avait aucune brise. On a eu chaud. On en a bu de l’eau glacée, et du vin blanc! Et on a jasé tous ensemble, toi-même participait grandement, un genre de regain de vie et d’intérêt. Comme si tu te doutais de ce qui allait arriver. Et que tu voulais profiter de chacun de nous une dernière fois.

Prendre une dernière photo de toi, de dos, qui regarde le lac en fumant une cigarette. Cette photo est précieuse. Il n’y en aura pas d’autres.

Aller me coucher. Te laisser avec Béatrice, toutes les deux, regarder la télé. Et affronter les éclairs 😊

T’entendre m’appeler de ta chambre, il est 22 h 30. Je le sais, parce que le lendemain, pour faire quelque chose, je suis allée voir mon Facebook : ma dernière publication, je l’ai faite juste avant ton appel à l’aide. Malgré le ventilateur collé au visage, tu respirais à peine.

Augmenter le débit du ventilateur. En vain.

T’entendre me dire « je suis en train de mourir. »

Te répondre « Ben non, c’est une crise d’asthme. C’est la canicule. Ça va passer. »

Appeler Gabriel à l’aide. Et Jocelyne et André qui arrivent.  Gabriel qui te soutient du mieux qu’il peut. Jocelyne qui appelle 911.

Attendre l’ambulance. Et attendre. Attente très longue. Pourtant, c’est petit Oka.

Accueillir les ambulanciers, et partir avec eux en ambulance. Direction St-Eustache.

Texter à Alex pour l’aviser.

Arriver à l’hôpital avec toi. Toi qui es attendue par toute une équipe, je revois l’image.

Perdre la notion du temps, et se demander pourquoi personne ne répond à mes textos, et réaliser qu’il est plus de minuit.

Recevoir le diagnostic de l’urgentologue : infarctus. Et ce ne serait pas le premier.

Appeler Alex : on a une décision à prendre. Ne pas intuber : décès assuré. Intuber : séquelles assurées, mais on ne peut dire lesquelles.

Décider d’intuber. Te donner toutes les chances possibles.

Appeler Jocelyne : tous attendaient des nouvelles. Jocelyne et Gabriel décident de me rejoindre, même si je me sens en contrôle. Je n’ai qu’à attendre. Mais quand même, votre présence est rassurante.

Reparler à l’urgentologue : tu dois aller te faire opérer à Sacré-Cœur. Les artères sont bloquées, et St-Eustache n’a pas l’expertise nécessaire. L’urgentologue est partie avec toi en ambulance, et avec, encore, des membres de son équipe. Tu es LA priorité cette nuit-là.

Retourner à Oka, et attendre l’appel de l’urgentologue. Longue attente! Et s’attendre au pire. Mais me dire… Plus l’appel tarde, plus les nouvelles seront bonnes. Sinon, elle aurait appelé plus rapidement.

Recevoir l’appel à 6 h 30. La chirurgie s’est bien déroulée, tu es stable aux soins intensifs. L’urgentologue me suggère de dormir un peu avant d’y aller.

Dormir un peu.

Déjeuner au bord du lac avec la famille et être relativement optimistes.

Retourner à l’hôpital avec Gabriel.

Entrer dans ta chambre et te trouver intubée et très branchée sur toute sorte de machines. Et ton teint gris, que je n’aime pas. Ce n’est pas un bon teint.

Discuter avec le médecin responsable et l’infirmière qui t’es attitrée. On jase des vraies affaires. Le médecin pose des questions très précises.

Répondre à ses questions et poser les miennes. Comment envisager la suite des choses, le terme « cardiaque » me fait peur. Peur de ne pas pouvoir te soigner adéquatement lorsque tu seras de retour à la maison. À ce moment, on pense encore possible de te transférer à Hull pour que ce soit plus facile pour Alex et moi de te visiter.

Tenter de te rassurer : tu es très agitée. Toi qui n’as jamais aimé te faire taponner, je te caresse la main et le bras, en chuchotant « chut. » Un peu comme on console un jeune enfant attristé ou en douleur. Et l’infirmière de me dire de ne pas faire ça. Que ça te cause de l’angoisse. On doit même s’asseoir loin de ton lit et réduire au minimum tout stimuli pouvant te stresser. Tu n’es pas capable de les assumer. C’est trop pour toi. Tu es trop fragile.

Retourner à Oka, sur conseil de l’équipe médicale : de toute façon, les soins intensifs sont fermés aux visiteurs (à moins d’urgence critique). Question de permettre à l’équipe de prendre un peu de répit et s’occuper des patients en toute intimité. À ce moment, l’infirmière nous dit que « oui, il y a de l’instabilité, mais c’est sous contrôle. » On part donc semi-rassurés.

Manger, un peu, au bord du lac, et jaser. Organiser la semaine. Je dois absolument ramener les filles à Gatineau ce soir, elles travaillent le lendemain. Alex viendra prendre la relève le lundi. Et entre Jocelyne, Gabriel et Philippe on assure une veille jusqu’à ce que je revienne, en me disant que je peux prendre congé, mais que je dois faire des arrangements avec mon patron.

Recevoir un appel du médecin responsable. « Il y a des complications. Êtes-vous assise? ». « Euh, non, mais ça va. Est-elle décédée? ». « Non, mais si j’étais vous, je viendrais bientôt et j’aviserais la famille. Et ne faites pas de vitesse sur la 640, ça ne vaut pas la peine, en plus, d’être impliquée dans un accident.»

Vivre le flou. C’est Alex qui m’a expliqué par la suite. Hémorragie du myocarde qui a provoqué un affaissement du péricarde. L’équipe tentait le tout pour le tout pour te sauver.

Demander à Gabriel d’appeler Alex, le tenir au courant. Jocelyne qui décide de ne pas me laisser seule (malgré mes protestations), et vient avec moi à l’hôpital. Les filles restent à Oka avec André, Gabriel repart vers St-Constant pour attendre les nouvelles. Avant de partir, Béa me prend la main et dit « Maman, God has a plan for her. » Je ne suis pas croyante, mais Béa oui. Et ses paroles sont rassurantes.

Arriver aux soins intensifs, dans un flou total.

Voir le rideau de ta chambre qui est fermé, mais ne pas faire de lien.

Être accueillies par l’infirmière (je me souviens encore de son nom!) « Dr. Berry viendra vous voir. » Et on attend debout, sans trop comprendre. Mais en même temps, ne pas se diriger vers ta chambre. Comme si on savait.

Rester calme, même quand l’infirmière revient et me prend la main. Et m’explique toutes les démarches qui ont été tentées pour te sauver. « Malheureusement, elle est… » et moi de couper la parole, doucement « décédée? ». « Oui. Toutes nos sympathies. »

Demander à quelle heure (moi et les détails techniques et anodins). « 14 h 51 »

Refaire le trajet dans ma tête. Nous avons quitté Oka vers 14 h 25. Prises dans les embouteillages du 1er juillet. Ne pas faire de vitesse. Arriver à St-Eustache à 15 h 15. Je t’ai manquée de peu. Je n’étais pas là, avec toi. Jocelyne et allée te voir. Pas moi, je ne m’en sentais pas le courage.

Être invitée à aller au salon des familles avant de rencontrer Dr. Berry.

Appeler Alex, trouver les mots pour lui annoncer la nouvelle.

Appeler Béa qui ne répond pas.

Demander à Jocelyne d’appeler Philippe et lui demander d’annoncer la nouvelle à ses filles. Moi je ne m’en sens pas le courage.

Rencontrer les deux médecins, qui ont pris le temps de tout nous expliquer et répondre à nous questions. J’aurais tant voulu que tu prononces un dernier mot. Dans mon cœur, je te vois dire « Michel ». Mais non, tu n’en étais plus capable. Mais je me réchauffe le cœur en pensant que toi, dans ton inconscient, tu as appelé ton amoureux de toutes tes forces, même s’il t’en restait si peu.

Recevoir un appel de Béatrice, et lui annoncer la nouvelle. Encore là, elle me rassure. « Maman, Mamie est mieux maintenant, elle est en train de fumer des cigarettes avec Papi au paradis. »

Retourner à Oka. Appeler Gabriel.

Relaxer au bord du lac.

Absorber le choc en famille.

Annoncer la nouvelle à mes amis.

Recevoir appels et textos. Y répondre de mon mieux.

Apprécier tous ces bons mots de solidarité.

Manger un peu, avant de reprendre la route.

Manquer d’appétit.

Reprendre la route. Sentiment très étrange. Nous sommes parties 4, et nous revenons à 3. Et pas parce que l’une de nous a décidé de prolonger son voyage.

Accepter ce vide.

Tenter de l’apprivoiser. En accord avec les filles, écouter de la musique joyeuse. On se branche sur le Hit list. Et on chante.

Déposer Rose chez elle. La remercier : elle a tenu le fort avec Béatrice pendant toutes ces heures d’attente.

Aller chez Alex.

Retrouvailles émotives.

Apprécier à leur juste valeur ces heures passées en famille.

Rire quand même un peu. On est faits comme ça les Lefebvre. On trouve une force de rire dans le malheur.

Manger du saumon… Et Mimi de dire « Franchement, manger du poisson le jour du décès d’Andrée! » Et de répondre « Justement, elle ne peut plus rien dire! On en profite! »

Se coller en famille. Jaser, planifier. Prendre la semaine de congé. Parler à mon gestionnaire.

Retourner à la maison.

Aller chez Stéphanie, qui a ouvert une bonne bouteille de rouge. Et jaser. Faire le vide, en faisant le plein d’amitié.

Retourner à la maison avec Béa et décider d’aller dormir chez Stéphanie. Pour ne pas sentir ce vide.

Apprivoiser ce vide depuis un an.

Nous ennuyer sans bon sens.

Parler souvent de toi et Michel.

Faire honneur aux valeurs et à l’héritage de vie que vous nous avez transmis.

 

Commentaires

Une réponse à Pour maman….

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