Ce texte, ça fait longtemps que je l’ai en tête et que je cherchais un angle pour raconter l’histoire. Ceux avec qui je parle régulièrement, savent que les habitants de l’une des maison collée à la mienne nous en font vivre de toutes les couleurs. Disons que les chicanes sont très fréquentes (TRÈS) et que les coups revolent souvent.

Lorsque mon amie Sonia-Sophie nous a demandé d’écrire un texte en se mettant dans la peau de quelqu’un, je venais de trouver l’angle pour moj texte. Et ça donne ce qui suit… ce qui est véridique, c’est que, oui, j’ai appelé la police un samedi matin en juillet, vers 7 h 30 le matin. Et que oui, le 26 décembre, elle hurlait dehors. Cette fois-là, on s’est tous dit « Bon, elle part pour de bon… » Mais non.. elle est revenue.

Ce que j’ai imaginé, bien entendu, ce sont ses pensées. Et l’état de la maison.

Va-t’en Marie!

À chaque fois je me dis que c’est la dernière, que là c’est vrai, je sacre mon camp et je ne veux plus te voir.

Tu me fais chier Kevin, tu me fais peur. Mais crisse, tu m’amadoue à tous les coups. Que là c’est vrai, tu ne le referas plus, que tu t’excuses, que je n’aurais pas dû..

Trois ans… trois ans avec et sans toi, dans les brumes de pot, de meth et de bière. Trois ans qu’avec toi je ne peux pas me contrôler. Que je pars, et que je reviens. Parce que je ne peux pas me passer de nos bons moments.

La dernière fois, j’ai crié dehors, tôt le matin, pour ameuter le quartier, en espérant que la voisine appelle encore une fois la police, comme elle l’a fait cet été. Mais cette fois-ci, elle n’a pas appelé, ni personne d’autre d’ailleurs. Et pourtant, je leur ai laissé le temps. J’ai pris le temps de déblayer mon auto, pleine de neige folle. J’aurais pu partir drette sur une gosse et laisser la neige partir. Mais non, j’ai pris mon temps, fait chauffer le moteur, j’ai vraiment tout enlevé la neige, je suis même retournée dans la maison pour chercher mon banc… et quelques gogosses. Et je te criais après

Et toi qui me crie, comme très souvent « Va-t-en Marie! » et de rajouter un espèce de rire tellement diabolique, sans-cœur. Tu m’as fait peur, une fois de plus. Cette fois-là, j’étais convaincue. Et en même temps, j’espérais donc que notre voisine se décide à appeler la police. Mais non. Elle a dû laisser tomber elle aussi, comme tout le monde autour de moi. Mon père, mes amis (ceux qui me restent sont très silencieux). Parce que ça recommence à tous les coups. Avant, quand je venais récupérer mes trucs, j’avais toujours une amie avec moi, « pour ma protection et le support moral », au cas où tu sois gelé comme une balle, ou frosté à je ne sais plus quoi d’autre que tu consommes.

Ce matin-là, tu ne me faisais plus peur, mais je me faisais pitié, avec mon auto pleine de neige, mes vêtements sur le dos (les autres sont encore dans le garde-robe), et personne à appeler d’urgence. Parce que personne ne me répond, ou encore, je suis tannée de les entendre me dire

Ce matin-là, j’étais convaincue, surtout après avoir hurlé dans tout le quartier. Jamais je ne reviendrais, jamais je ne te reparlerais. T’es toxique en crisse mon Kev, tu me rends aussi toxique que toi. J’étais pas comme ça avant de te connaître et de tomber en amour avec toi. J’étais normale, sans histoire, sans peur.

Maintenant, quand je suis avec toi, j’ai peur toujours. Peur des baffes, peur que tu me pitches encore dans l’escalier, peur que tu manques de dope, peur que tu prennes trop de dope. Peur que tu me laisses – j’irais où? J’ai plus tellement de portes auxquelles je peux frapper et espérer. Je sens que ma gang me laisse tomber. Je sens que la vie me laisse tomber.

Dans la maison, ça sent le pot à plein nez, et ça sent la peur. Quand ta mère vient, je préfère partir, pour ne pas avoir honte. Honte de ces odeurs, mais aussi honte des murs poqués. À force de nous battre et de se garocher l’un et l’autre, on en a fait de la misère aux murs. Honte des meubles qui ont eux aussi reçu leur part de coups.

Mais c’est aussi un jeu qui se joue à deux : je peux hurler aussi fort que toi, mon Kev, et je peux aussi te frapper. Tsé, comme ton poignet dans le plâtre? Suck it up Buttercup, tu le méritais!

Pis finalement, tous ces cris dehors à 7 h 30 le matin, toute cette peur, cette honte, pourquoi? Pour revenir quelques jours plus tard. Tsé, quand t’es fin, Kev, t’es super fin, et je comprends pourquoi je suis tombée en amour avec toi. Mais crisse… change.. parce que toi et moi, on vivra pas longtemps. La voisine aura même pas le temps d’appeler la police. De la peur, j’en veux plus. Mais toi, je te veux toujours.

Donc, dis-moi Marie va-t-en! Ou Marie reste.. je sais pu, je suis perdue.

Commentaires

Soumettre une réponse

Votre courriel ne sera pas publié. Les champs obligatoires sont marqués *.

Information