Ce texte a été écrit aujourd’hui, dans le cadre du deuxième défi de mon club d’écriture. On devait se positionner selon une autre voix narrative. J’ai choisi d’incarner Gen, une amie que j’ai imaginé pour Marie.

« Gen, débarre ta porte, j’arrive »

« Hein? C’est qui? Yé quelle heure? »

« Gen, c’est Marie.. j’arrive, Je sais pas il est quelle heure »

Marie, ma chum.. Marie, qu’est-ce qui se passe? Je regarde l’heure sur mon cell : 2 h 30 AM. Je dormais moi! Mais Marie ne me dérangerait pas pour rien. Surtout avec mon bébé, son filleul.

Je me lève et je débarre la porte. Elle arrive 10 minutes plus tard. Marie? Bordel, tu reviens d’où? T’es maganée! Marie a la lèvre en sang et un méchant bleu sur la joue. Pourtant, Marie est douce, je la connais depuis le secondaire. Jamais un mot plus haut que l’autre. Marie, ma chum pacifique, celle qui parlait à tout le monde, qui défendait les autres, peu importe la cause.

Marie.. dans quel bordel tu t’es ramassée?

Et tu me dis, entre tes larmes, « Gen, j’en peux pu… j’ai peur, Gen, aide-moi »

On aide comment une chum en détresse? On fait ce qu’on peut. On appelle la police. Qui vient et prend sa déposition.

Et moi qui écoute… et qui culpabilise. Oui, je l’ai laissée tomber un peu, ma chum Marie ces derniers temps, mais mon p’tit gars prend pas mal tout mon temps, et Marie ne m’appelle plus, elle ne passe plus comme dans le temps, entre deux commissions, en revenant du travail, pour donner un câlin à son filleul. Je réalise que Marie est silencieuse et m’évite depuis quelque temps. Depuis qu’elle est en amour avec son Kevin.

Ça fait environ 1 an. Ils se sont rencontrés dans un bar, un soir. Je devais sortir avec elle et d’autres amies, mais à la dernière minute je suis restée à la maison. Mon début de grossesse me fatiguait. Avec du recul, j’aurais dû y aller : les filles m’en parlent encore. Marie s’était préparée chez moi, pour que je puisse participer un peu à sa soirée. Elle était tellement belle en partant, maquillée, sexy et rayonnante. Elle m’a dit « Gen, pense à moi! J’ai l’impression que ce sera ma soirée! » Et elle est partie en me faisant la bise, en volant dans l’escalier dehors. Même mon chum m’a dit « Ouain! Elle est pas mal belle!!! J’espère qu’elle va rencontrer LE bon. »

Mais LE bon, n’a pas été LE bon… Au début oui : Marie était aux anges : un chum, un bon gars, une bonne job, il loue la maison de sa mère, dans un beau quartier.

Nos premières rencontres sont vraiment sympathiques. Bon, je trouve qu’il prend un peu trop de pot, mais ça ne me regarde pas trop. Et Marie commence à en prendre aussi pas mal, ce qui m’étonne beaucoup. J’ai essayé de lui en parler, une fois ou deux, mais elle a ri de moi. « Tu t’en fais pour rien, j’en prends pour le fun, pour être sur le même beat que Kev »

Et là elle est devant moi, piteuse, en larmes.

Son Kev est violent, colérique, il la frappe souvent, il lui crie tout le temps après. Il n’aime pas le désordre, et Marie est traineuse. Il aime un bon souper, mais Marie n’est pas une super cuisinière. Tout ça, on en riait souvent. Mais Marie n’a jamais aimé cuisiner, et n’est pas forte sur le ménage. Mais elle a toujours eu le cœur sur la main.

Elle raconte tout aux policiers

• C’est pas la première fois qu’il me frappe, mais c’est toujours « de ma faute »
• Ce soir, j’ai pas eu le temps de terminer le lavage
• Hier, j’ai pris mon temps pour ramasser et laver la vaisselle
• Il est stone tout le temps, et pas au pot. Depuis la pandémie, il ne travaille plus (il ne travaillait plus souvent, il manquait tout le temps), il est passé au meth

Dans ma tête : « Merde, Marie, pars de là tout de suite »

Et ça continue

• Je ne travaille plus moi non plus. Il y a eu des coupures de postes
• Une chance que sa mère nous laisse vivre gratuitement dans sa maison
• L’été passé, j’ai appelé la police, ils l’ont ramassé, mon père est venu me chercher

Ça je le savais. C’est une des rares fois où les parents de Marie m’ont appelée : ils ne savaient pas quoi faire. On a fait ce qu’on a pu, mais Marie est retournée chez Kev. La mine basse, sans nous regarder. Elle savait, elle savait ce qu’on allait dire. Elle est intelligente ma chum Marie, mais là, elle vit l’enfer. Son chum, c’est clairement un pervers narcissique (et ne je suis pas experte dans le domaine) et Marie en arrache. Mais elle ne nous écoute plus, ça fait un maudit boutte.

Marie, sors de là! Viens habiter chez moi un temps, retourne chez tes parents, ils t’attendent. Mais bordel…. N’y retourne plus chez Kev. Tu vas finir par y passer. Nous, on ne sait plus quoi dire pour te convaincre. Tu vaux tellement plus que ça.

Pars Marie, va-t-en de là!